Yves Saint-Laurent (le film de Jalil Lespert) sous plastique
Ce matin, j’ai vu le film, le biopic, comme on dit maintenant, de Jalil Lespert sur Yves Saint-Laurent (Pierre Niney) et Pierre Bergé (Guillaume Gallienne). Il passe à l’UGC du Forum des Halles (dans le centre de Paris) et l’indication sur le billet était de prendre l’entrée basse. Comme l’autre cinéma du Forum, l’Orient-Express a fermé ses portes au grand dam des habitués dont je faisais partie (petites salles, personnel d’accueil charmant, horaires décalés), l’autre UGC s’est agrandi.
Donc « Yves Saint-Laurent » est projeté dans la salle 37. On prend un escalator qui ne marche que si l’on s’en sert, puis un deuxième escalator, puis un escalier en métal pour arriver sur une passerelle qui mène aux salles 34 à 37. Tout est gris, propre et sent fortement le plastique neuf. La salle 37 est tout au bout de la passerelle. Sur la passerelle, deux hommes, chacun devant une porte close, devant laquelle il y a un écran qui annonce la séance. A côté d’autres portes, des lumières passent du rouge au vert puis au rouge de nouveau.
J’ai eu l’impression d’être dans un bordel new-look et de passer devant des clients attendant que leur « choix » soit libre. Etrange impression qui m’a fait ricaner. Evidemment…. Il en faut peu pour une nature comme la mienne, facilement narquoise.
Dans la salle toute neuve, même odeur de plastique. Pas de petit support pour poser son gobelet de café, dommage, les sièges seront vite tachés.
Pour sortir, sens unique. Les escalators ne servent qu’à monter, pas à descendre. On se retrouve directement dans le nouveau jardin du Forum.
Le film? Ennuyeux….
Jalil Lespert, lui-même fort beau et bon acteur, aurait dû
se concentrer sur une décennie seulement : celle des débuts ou celle de la décadence.
La première partie, les débuts du créateur, sa rencontre avec Bergé qui quitte Bernard Buffet pour lui, est finement racontée, sans que les détails « authentiques » soient trop lourdement amenés.
Ca se gâte avec la descente aux enfers filmée comme un mauvais téléfilm et faite de clichés alignés les uns après les autres. Les personnages de la vie de Saint-Laurent de cette époque-là, Loulou de la Falaise (Laura Smet, à côté du rôle), Betty Catroux (Marie de Villepin, totalement inintéressante et dénuée de tout mystère), Thadée Klossowski, sont mal incarnés.
Surnagent Jacques de Bascher (Xavier Lafitte) le grand amour de Karl Lagerfeld (plutôt bien joué par Nikolai Kinski, le fils de Klaus) et dont Bergé se débarrassera pour protéger son compagnon, croit-il.
La découverte du film?
Jean-Edouard Bodziak qui joue le peintre Bernard Buffet et qui est d’une séduction absolument renversante. On aurait aimé en savoir plus sur son couple avec Bergé -ne serait-ce que pour le voir un peu plus!- et comment ce dernier a jeté son dévolu sur Saint-Laurent pour en faire, comme il l’avait fait de Buffet, la coqueluche du Tout-Paris et une marque commerciale.
Au fond, ce film est une ode à la fidélité de Pierre Bergé envers Yves Saint-Laurent qu’il n’a jamais abandonné, comme Karl Lagerfeld n’a jamais abandonné l’infidèle Jacques de Bascher.
Il pourrait aussi passer pour une dénonciation des ravages qu’exercent les drogues, l’alcool et une vie sexuelle hasardeuse sur le talent que cette trilogie détruit.
Arrivé à plus de 80 ans, Lagerfeld ne boit jamais, ne se drogue pas – on le sait, il le dit à chaque interview- et semble même avoir renoncé à toute vie sexuelle. Quant à Bergé, préoccupé du succès de ses entreprises, il ne consacre guère de temps, selon le film, à s’amuser. Hommes de devoir et de travail, opposés à ceux dotés de tous les talents mais qui se perdent dans les fêtes et les excès.
Bergé a tardivement attiré les projecteurs sur lui comme Mme Bernadette C. qui profite du déclin de son mari, ancien Président, pour tirer la lumière à elle…. Oui, il y a quelque chose de commun entre ces deux personnes longtemps restées dans l’ombre de leur célèbre conjoint…
L’histoire ne se fait qu’avec les vainqueurs et les survivants.
Pour le film, attendez sa sortie en dvd!
Ou contentez-vous de la bande-annonce!
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11 Comments
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C’est drôle, tu es la première que j’entends (lis ?) à l’avoir trouvé ennuyeux. Cela dit, les « biopics » – comme on dit maintenant ^^ – ne sont pas connus non plus pour être très mouvementés…Il va falloir que je me fasse ma propre opinion !
Je voulais aller le voir. J’ai manqué de temps mais je vois que je n’ai rien raté… Comparer Bernadette avec Pierre Bergé, pas tout à fait d’accord malgré tout. Bonne journée
Nous avouons que nous avons été plus sensibles à la performance des 2 acteurs principaux qu’au charme de Bernard Buffet. http://wp.me/p2H2o8-4Ed
Entièrement d’accord pour Laura Smet, quand arrêtera-t-on le massacre ?
Pourquoi ne pas poursuivre la comparaison entre B.C. et P.B. en précisant qu’ils ont tiré tous les deux un grand profit d’élections présidentielles de tendances opposées 😉
Du coup, je ne regrette pas de ne pas l’avoir vu !
bon, ok, vu, je vais me rabattre sur « Minuscule »! je crois que c’est plus riche… 🙂
J’avais bien envie de voir « Minuscule » mais les horaires m’ont dirigée vers YSL…
Rebonsoir Colette, concernant les salles supplémentaires de l’UGC, je trouve qu’elles manquent d’aération. Il fait très chaud. Je regrette aussi l’UGC Orient-Express qui avait beaucoup de charme avec tous ses défauts (bruit du RER en particulier). Et sinon, le film Yves Saint-Laurent est assez évitable. Très anecdotique et un peu trop « pro Pierre Bergé ». Bonne soirée.
Nous sommes bien d’accord! La seule chose qui a vraiment été améliorée dans la nouvelle zone cinéma de l’UGC des Halles, ce sont les toilettes (même s’il n’y a pas de crochet à la porte pour suspendre son sac).
J’ai bcp aimé ce film sensible, interprété par deux acteurs principaux extraordinaires. De l’amour, de la passion, de la tolérance, de l’égoïsme, de la liberté, de la souffrance… Et la peinture d’une époque et du milieu artistique.. Très très beau film, â voir selon moi. Et franchement je n’avais pas prévu de le voir, je me suis retrouvée en avion à le choisir un peu par hasard…
Selon moi, le plus beau film depuis out of africa (je sais, rien à voir) . Sensible, intelligent, d’une beauté et d’une élégance inoubliables. Outre les acteurs au jeu époustouflant, il y a l’art de Jalil Lespert pour nous embarquer dans cette histoire d’amour et de création tellement touchante. Enfin, et quoiqu’en disent les fâcheux grâce à Pierre Bergé (mille mercis à lui), il y a les robes… Ah! les robes, quelle merveille!
C’est un bel hommage au créateur et à son compagnon, même si la deuxième partie ne me semble pas à la hauteur de la première. Et l’autre « Saint-Laurent » que je n’ai pas encore vu, qu’en pensez-vous?