Un jour mon prince viendra – mais il faut que ce soit le bon! (Degas et le nu, Ingres)
L’exposition « Degas et le nu » au musée d’Orsay présente « Roger délivrant Angélique » par Jean-Auguste Ingres (dans la version petit format conservée à Londres) en 18189.
Ce tableau peut être considéré comme un hommage réussi à l’érotisme contenu dans le Roland Furieux (Orlando Furioso) de Ludovico Ariosto, dit l’Arioste (1474-1533). Ingres y déploie son talent à offrir aux regards des corps nus, aux ondulations aguicheuses et faussement placides.
Si Roland a de bonnes raisons d’être furieux …
…
c’est que l’inconstante Angélique dont il est furieusement amoureux se fait enlever par les Ebudiens pour être offerte en sacrifice à un orque marin (qu’on voit en bas à droite du tableau). Pour corser l’affaire, c’est nue qu’elle est attachée à un rocher au bord de l’eau et tout un chacun peut la contempler ainsi. Passant par là, un certain Roger succombe à son tour à ses charmes, la voyant « toute nue, tout aussi charmante que la nature l’avait formée, [elle] n’avait pas un seule voile qui pût couvrir les lys et les roses vermeilles placées à propos où leur éclat pouvait embellir un si beau corps ». Perché sur un hippogriffe, mi-cheval, mi-aigle, Roger délivre Angélique du monstre qui menaçait d’en faire son quatre-heures.
En revoyant ce délicieux tableau, à l’énergie communicative, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que Ingres avait parfaitement cerné l’état d’esprit d’Angélique.
La tête renversée et les yeux exorbités, son air atterré (les sourcils levés, la petite moue) semble nous demander :
« Mais c’est quoi cette boite de conserve clinquante qu’on m’a encore envoyé? Vous avez vu sa tête efféminée? – soupir-. Non, non, vraiment, ce n’est pas du tout mon genre. Je les aime bruns, velus, virils et musclés, sentant bon le sable chaud… C’est un chevalier d’opérette dont le monstre marin ne fera qu’une bouchée et je suis bonne pour attraper la mort au milieu de tous ces courants d’air. Sans compter tous les vieux libidineux du village qui viennent se rincer l’oeil ».
De fait, Angélique ne montre aucune reconnaissance à Roger et lui échappe pour se réfugier dans les bras de Médor, qui, lui, ne fait pas le malin puisqu’il est blessé quand elle le rencontre. Doublement cocu, Roland ne décolère pas et part faire la guerre (au lieu de casser la gueule à ces sales types, mais on parle d’une époque où on sublimait encore ses passions). Revanche posthume : c’est son nom que porte l’oeuvre.
P. S. : Est-ce à dire que les femmes préfèrent sauver qu’être sauvées? Sur ce tableau de Simone Peterzano (16e), Angélique est clairement en position dominante. Ca donne envie de relire les classiques, non? La téléréalité n’a rien inventé, les Feux de l’amour non plus.
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C’est amusant, je suis allé voir cette expo samedi après midi, et malgré la foule trop nombreuse, j’ai réussi, en poussant quelques retraitées ,à me frayer une place devant ce petit tableau (que je connaissais déjà ,expo Ingres) et je suis resté scotché dessus. C’est le visage de Roger que je trouve remarquablement peint et qui m’a le plus touché. Pour Degas… trop de monde pour apprécier, je ne partage pas non plus son obsession pour les postérieurs sur-dimensionnés ayant déjà en ce qui me concerne de sérieux fantasmes avec le dessin. Par contre, dans le nouvel accrochage d’Orsay, j’avoue humblement avoir découvert une salle avec des peintres dont j’ignorais tout: ils correspondent à cette période si chère, fin 19 début 20 eme , the nineties en Angleterre avec Oscar Wilde,
quelques noms comme Lucien Levy Dhurmer, Albert Besnard, James Ensor, Édouard Jean, Charles Maurin, et un tableau génial de Marianne Stokes, « la jeune fille et la mort, »
A coté du préraphaélite Burne Jones, du mystique Puvis de Chavenne, ces tableaux ont en commun la noire illumination néo gothique et la préhension mystérieuse du siècle naissant.
bonne journée.
Heureusement que Titus était plus clément….