Dans le film de    consacré à Yves Saint-Laurent, on aperçoit fugitivement Bernard Buffet interprêté par le très séduisant
Buffet et Bergé ont vécu ensemble pendant 8 ans. Le peintre fut la première réussite de Bergé, le Pygmalion.
Je connaissais les tableaux de Buffet, notamment ses vues de Paris mais pas cette partie-là de sa vie amoureuse, étant restée au couple qu’il formait avec Annabel, coqueluche de Saint-Germain des Près avec Juliette Gréco.
La biographie de Buffet par Jean-Claude Lamy « Bernard Buffet, le Samouraï » (Albin Michel 2008) n’a pas l’allant et le style rapide des biographies de Marie-Dominique Lelièvre. Trop de détails parfois, trop de listes de noms mais on y glane quelques anecdotes amusantes. Buffet est né à Paris le 10 juillet 1928. Il commence à peindre très tôt.
Avant sa rencontre avec Bergé, il était maigre et sale, ne se lavant quasiment jamais et portant toujours les mêmes vêtements, dopé aux amphétamines. Dès qu’il présente ses tableaux en 1946, il recueille des critiques très élogieuses. On est au sortir de la guerre et ces tableaux au dessin émacié et au « jansénisme de la couleur » (Claude Roger-Marx)  faisaient écho aux privations encore présentes. Dès le début il présente des corps nus, à commencer par le sien. Dès 1949, des livres sont publiés sur son oeuvre.
En mai 1950 Pierre Bergé sonne à la porte de l’appartement de Claude et Simone Buffet, le frère et la belle-soeur de Bernard qu’ils hébergent. « Le Rastignac d’Oléron » (Béatrice Peyrani « Pierre Bergé, le faiseur d’étoiles ». Édition Pygmalion, né en novembre 1930, avait rencontré le peintre dans la galerie de Maurice Garnier. Coup de foudre immédiat, dit Bergé (« les jours passent, je demeure. ). Bergé a dit « j’aime ceux qui ont un physique « poétique » et poétique, Buffet l’est assurément. Bergé le lave, l’habille, le transforme en dandy et amplifie les gains du peintre qui leur permettent un train de vie luxueux. Achat en 1950 d’une maison, puis d’une autre, en Provence, à quelques kilomètres de Jean Giono avec qui ils se lient. Bernard peint, Bergé court les antiquaires et brocanteurs de la région. Pierre Cabannes qualifie Berfé de « manageur aussi intraitable qu’un entraîneur de Maison-Laffite ». Le 4 février 1956, Paris-Match consacre à Buffet un article avec des photos prises dans sa nouvelle maison près de Paris. Buffet, sa Rolls Silver Phantom et son chauffeur en livrée. Le valet qui pose la vaisselle ancienne sur la table. Le parc de 3 hectares. Le jardinier. Les animaux.
On peut voir des photos de leur couple sur le site de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent .

Tout ce luxe étalé lui vaut instantanément une haine tenace. En 1954, Buffet se vend aussi cher que des petits Picasso. Pierre Lazareff a décrit une soirée chez les buffet-bergé dont le premier a fait un portrait qui accueille les visiteurs « un immense portrait de la « Commode » tout nu, avantages au vent ». Quand ils sortaient ensemble, les méchantes langues parisiennes murmuraient :  » Voici Buffet et sa Commode ».
De personnalité renfermée et arrogante, il n’a jamais vraiment fait l’effort d’être apprécié. En 1958, alors qu’il n’a pas encore 30 ans,  il décrète dans une interview que les peintres abstraits « ce sont des pompiers. Les vrais pompiers modernes. Tout le monde comprend la peinture abstraite et même n’est pas choqué par elle. Tout cele est trop simple à force de fausse recherche ».
En 1958 également Bergé découvre Yves Saint-Laurent alors que Buffet fait sa première grande rétrospective. Pour autant Bergé n’aurait jamais pardonné à Buffet de s’être consoldé si rapidement.

Buffet n’a jamais vraiment su rester seul. Après le départ de Bergé, il est tombé amoureux d’Annabel Schwob de Lure qu’il épouse rapidement en décembre 1958.  C’était son deuxième mariage après celui avec Agnès Nanquette, en novembre 1948 qui a duré jusqu’en juin 1950.
Bergé, pourtant ouvertement amoureux de Saint-Laurent, ne pardonnera jamais à Buffet ce mariage, cet « affront ». C’est ce qu’il déclare en août 1958, alors qu’accompagné de Saint-Laurent, il cherche Buffet dans la maison normande de Françoise Sagan, ajoutant « qu’il se vengerait ». A l’occasion du mariage, Bergé déclare : » Bernard épouser Annabel? C’est comme si on annonçait le mariage de Charpini avec Suzy Solidor ». Charpini (Jean-Emile Charpine, 1901-1987) était un fantaisiste spécialisé dans les numéros de travesti. La chanteuse Suzy Solidor (Suzanne Louise Marie Marion, 1900-1983) incarnait elle la lesbienne type.
Une des explications à la désaffection de Buffet dans les milieux parisiens pourrait venir de cette vengeance. Annabel Buffet y fait allusion dans son livre :

Cela étant beaucoup ont reproché à Buffet de faire du Buffet.
Bernard Buffet est très connu au Japon où un musée lui est dédié.

Quelques années après les Buffet adoptent 3 enfants, 2 filles et un garçon, ce qui relance une fois de plus les rumeurs malveillantes.
Le galeriste Maurice Garnier, qui avait l’exclusivité de son oeuvre, restera leur fidèle soutien et logisticien qui s’occupait de tout (les factures, les courriers, les travaux).

Son succès précoce, les sommes énormes qu’il a gagnées, lui ont valu une notoriété certaine et beaucoup de haines.

Son mariage avec Annabel Buffet a duré de longues années. Ils ont adopté 3 enfants. Buffet se suicide en octobre en se mettant la tête dans un sac plastique.