Chambre 212 (film de Christophe Honoré)
Le très inventif Christophe Honoré poursuit son enquête sur les liens amoureux, qu’ils relèvent de la mythologie (le très beau film qu’il a tiré des Métamorphoses d’Ovide est un chef d’oeuvre sous estimé), des relations homosexuelles (Plaire, Aimer, Courir vite en 2018 ou Homme au bain en 2010), des deuils et souffrances (Les Chansons d’amour, 2007) ou, comme dans Chambre 212, d’un couple uni depuis plus de 20 ans.
Chiara Mastroianni/Maria, sortie pour une fois des rôles mélancoliques qu’on lui donne souvent, est une universitaire, professeur de droit, qui mène avec entrain une vie amoureuse parallèlement à sa vie de couple, plutôt plan-plan, avec son mari Richard (Benjamin Biolay, son ex-mari dans la vie). Elle préfère les beaux jeunes gens et qui pourrait l’en blâmer?
Richard découvre par hasard – Ah les téléphones portables qu’on laisse traîner et qui bipent de manière inconsidérée!- ce qu’il en est de son couple et prend assez mal la chose.
Les dialogues sont écrits avec finesse et précision. On ne parlerait sans doute pas comme ça tous les jours mais c’est ce qui fait le charme extrême des films d’Honoré.
Maria claque la porte – pour aller s’installer dans l’hôtel d’en face d’où elle peut voir son mari qui se traîne misérablement dans l’appartement.
Commence alors une longue nuit de fantasmes, rêveries, regrets et nostalgies, tous incarnés par des personnages qui déboulent dans cette chambre 212. Le premier amour de Richard, son professeur de piano, Irène Haffner (Camille Cottin, avec une perruque étrange et peu seyante) qui traverse la rue pour aller retrouver un Richard décontenancé. Tous les jeunes amants de Maria qui s’entassent dans la pièce, à la manière des films de Bertrand Blier. La volonté de Maria, un homme en veste léopard qui chante comme Aznavour (surprenant Stéphane Roger), sa mère et sa grand-mère qui lui font des remarques acerbes. Et surtout, Richard jeune et beau, incarné par l’irrésistible Vincent Lacoste – à qui les cheveux courts font un profil de pâtre grec.
Toutes et tous revisitent leur passé, les chemins qui auraient pu être pris, les enfants qui auraient pu naître, pour finalement avancer sans regrets, ni trompettes vers un avenir pacifié.
C’est une forme d’hommage aux couples qui durent et perdurent.
Le récit de rêves inachevés auxquels il faut bien renoncer.
Un optimisme bienvenu en ces temps pénibles.
Et finalement on réfléchit à ce qu’on serait devenue (oui, je parle de moi à une forme impersonnelle) si on était restée avec son premier ou deuxième amour, si on en avait eu la patience (et la cohorte de jeunes Apollons pour y contribuer)….
Honoré confirme sa maîtrise de réalisateur et d’auteur.
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