Famille, je vous hais (ou pas)
Du célèbre « Famille, je vous hais » de Gide dans Les nourritures terrestres (1897) au « Famille, je vous ai » d’Hervé Bazin dans Ce que je crois (1977), il y a presque un siècle. Le premier a eu une fille, Catherine. Le second, 7 enfants de 4 mariages. L’un et l’autre ne professaient pas un grand amour pour la vie de famille.
Une célèbre chanteuse anglaise, mère de 3 filles de 3 pères différents, vient de décéder. Sa première fille a longtemps cru que son père était mort. La femme de ménage le lui avait dit, parait-il. Mais pourquoi n’en a-t’elle jamais parlé à sa mère?
Sur ce blog, les livres qui parlent de la famille sont nombreux. Ceux de Lionel Duroy, Emmanuel Carrère, Delphine de Vigan, Pascal Bruckner, Virginie Mouzat, Félicité Herzog, Emilie Frèche, Alix Etournaud, Constance Debré, Justine Lévy, Robert Goolrick, Susan Faludi. Certains parlent juste de leur mère, certaines de leur père ou de leur mère, d’autres parlent de leur couple. Souvent je n’ai pas vraiment aimé ces livres et pourtant, je continue à lire des « autofictions » ou des oeuvres qui s’en approchent d’auteurs français ou étrangers.
Pourquoi? Sans doute pour essayer de comprendre ma propre famille, celle dont j’ai héritée, celle que j’ai essayé de constituer.
Je vois des séries qui évoquent ce même thème, directement ou indirectement. Formidables séries policières sur fond de familles déchirées à trouver sur Arte, comme Back to Life, excellente petite série anglaise, Bron série suédo-danoise, Acquitted série norvégienne et bien d’autres dont Arte a le secret de la diffusion. On pourrait mettre dans la liste Modern Family, Sons of Anarchy, les incontournables et culte Sopranos, Six Feet Under ou The Walking Dead…
Je viens de lire, entre autres, ces derniers mois :
. Sophie Chauveau (née en 1953), dans Noces de charbon (Gallimard, 2013) parle de la rencontre de deux familles du Nord dans le monde de la mine. Deux familles à l’opposé de l’échelle sociale, l’une ouvrière, l’autre bourgeoise. Elle raconte les liens qui se tissent, non sans mal, entre ces familles,décrit plusieurs transfuges de classe (il n’y a pas qu’Annie Ernaux ou Didier Eribon!). C’est un livre dont l’écriture alerte camoufle des drames, des échecs familiaux et c’est aussi une ode à la puissance salvatrice des femmes, mères, épouses.
. D’Hervé Le Tellier (né en 1957), je n’ai lu qu’un livre récemment, Toutes les familles heureuses (JC Lattès, 2017). Rien d’extravagant dans ce qu’il raconte, juste un enfant unique coincé entre une mère manipulatrice et perverse, un beau-père plus que rigide dont il porte le nom et des contraintes absurdes. Il fuit assez tôt ce huis-clos. Bien que ce ne soit pas drôle, j’ai ri plusieurs fois, reconnaissant des situations tellement pénibles qu’on ne peut les raconter qu’avec une couverture de sarcasme pour ne pas tomber dans le mélo à la Duroy. Excellent livre.
. Virginie Linhart (née en 1966), fille de Robert, fondateur des Maos (UJC-ml) en France et personnage emblématique des années 1960 et début 1970, a écrit Le jour où mon père s’est tu (Le Seuil, 2008). Elle y parle de ses parents dont la vie de couple n’avait rien de conventionnel, pas plus que leur vision de l’éducation et rencontre d’autres qui, comme elle, étaient les enfants de parents hyper-politisés dans ces années-là. Lu grâce à ma bibliothèque, acheté par la suite. Livre passionnant, parfois terrifiant et souvent émouvant.
. Adèle Van Reeth (née en 1982) a sorti chez Gallimard cette année Inconsolable où elle parle de la maladie et de la mort de son père. Il se trouve que je le connaissais assez bien. Nous avons fait les mêmes études et bien plus tard, nous avons fait ensemble plusieurs voyages professionnels. Son récit m’a beaucoup émue car j’ai bien retrouvé mon confrère Benoit dans ses descriptions, physiques autant que psychologiques. J’ai eu l’impression qu’elle avait réussi à dépasser son carcan d’intellectuelle ambitieuse et froide pour parler de ses émotions. En échangeant avec un collègue, ce n’est peut-être pas sensible pour tout le monde, il n’avait pas été très touché par l’ouvrage.
Trois femmes, un homme, parlent de leur enfance, de leurs parents, de leur lignée, dans ces livres qui, tous, méritent d’être lus, et, pour certains relus.
Si vous cherchez de quoi lire cet été…
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Merci pour ce conseil de lecture !
La famille, une valeur sûre, pas toujours, apparement ! Ou alors, bien au contraire, on cherche toujours la famille comme point d’ancrage ?
Passez un bel été