Fréhel, l’inoubliable : Quand j’ai trop le cafard, je change d’époque….
« Quand j’ai trop le cafard, je change d’époque. Je pense à ma jeunesse. »
Fréhel, dans Pépé le Moko (Julien Duvivier, 1937).

Avant que le mois de février ne se termine, j’aimerais rendre hommage à la plus émouvante des chanteuses réalistes françaises, celle dont les chansons me font encore frémir: Fréhel, morte à Paris il y a 63 ans.
Fréhel -Marguerite Boulc’h- a pris son pseudo du cap Fréhel, en Bretagne dont venaient ses parents, son père cheminot devenu invalide, sa mère concierge et prostituée. Grâce à la Belle Otéro, Fréhel commence à chanter dès l’âge de 17 ans en 1908 sous le nom de Pervenche qu’elle changera en 1910 pour Fréhel.
Sa vie sentimentale a été
une suite de déceptions et de trahisons, amoureuse de musiciens et de chanteurs, comme Maurice Chevalier, puis de boxeurs et de voyous. Elle a d’abord essayé de trouver l’oubli en partant en Russie et en Turquie, et plus tard par l’alcool et la cocaïne. Ramenée à Paris en 1923 par l’ambassade de France, elle reprend en 1925 sa carrière avec des spectacles et des films malgré ou grâce à un physique abîmé. Devenue bouffie et très empâtée, Fréhel n’avait pourtant pas perdu sa manière unique d’interpréter des chansons qui parlent à toutes les femmes ni son charisme.
On la voit ici dans un extrait de « Coeur de Lilas », film tourné en 1932 par Anatole Litvak, futur réalisateur de Mayerling et de Aimez-vous Brahms?. Jean Gabin, 28 ans et pas encore la grande vedette qu’il deviendra deux plus tard, y joue un mauvais garçon et chante « la môme Caoutchouc* », rejoint par Fréhel, surnommée « la Douleur » dans le film.
Fréhel et Gabin joueront ensemble dans « Pépé le Moko » . Après avoir dit la fameuse réplique: « quand j’ai trop le cafard, je change d’époque. Je pense à ma jeunesse. Je regarde ma vieille photo et je me dis que je suis devant une glace », tout en remontant un tourne-disque face à une photo d’elle, jolie jeune fille coiffée d’un chapeau à frous-frous, elle chante « Où sont-ils? », les larmes dans la voix (à voir ici).

A la fin des années 1940, quasi clocharde (ici, un témoignage de 1948), alcoolique, elle meurt dans une chambre misérable de Pigalle le 3 février 1951 à l’âge de 59 ans.
Quelques paroles de « La môme caoutchouc »…
J’ai une petite gosse extra
Elle est en gutta percha
Élastique
Et vraiment fantastique
Elle s’ met la tête sous les pieds
Et les doigts de pied dans l’ nez
Brusquement au plumard
Elle fait le grand écart
Elle se met en vrille
Elle vous fait la chenille
Tout à coup
Les jambes à son cou
Elle s’enroule
S’ met en boule
Et se grignote les genoux
La môme caoutchouc
Avec elle, c’ qu’on peut faire, ah, c’est fou
Elle vous prend et toc et toc
On n’est plus qu’une loque
Ah, c’est pas du toc !
Elle vous disloque
La môme caoutchouc
C’est un lot, c’est un drôle de p’tit bout
On la cherche en-dessus et on la trouve en-dessous
La môme caoutchouc
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9 Comments
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Le mythe Piaf a balayé le souvenir des autres chanteuses réalistes. Il nous semble que les parisiens sont plus nostalgiques que les habitants des autres régions françaises de ce type d’interprètes très parigots. Autre époque mais aussi autre lieu connoté quartier populaire de Paris. C’est une sorte de dépaysement.
Triste fin pour cet femme que je découvre grâce à toi.
J’ai souvent entendu ma grand-mère et sa sœur parler de Fréhel un peu comme on parle de nos jours de ces chanteurs à la mode qui s’enlisent dans une mauvaise vie. C’est un nom familier à mon oreille mais, honnêtement, je ne me suis jamais penchée sur son répertoire.
Bon dimanche
Je connais les chansons de Fréhel depuis des lustres, mais comment? Mystère! Personne chez moi ne l’écoutait.
C’est vraiment une autre epoque!!!
J’aurais aimé changer d’époque ou de moral comme on change de chaussette 😉 !
J’ai honte d’avouer que je ne la connaissais pas. Merci pour cette découverte !
Bonsoir! j’ai regardé le passage où Fréhel entonne à son tour la môme caoutchouc juste après Gabin.
Il y a d’autres couplets, mais le montage a été mal fait (manque de moyens vu l’époque?) et je ne saisis pas tout des paroles de la chanson. Si quelqu’un les a, pourrait-t-il me les communiquer? merci beaucoup! 🙂
On trouve les paroles ici par exemple : https://www.paroles.net/jean-gabin/paroles-la-mome-caoutchoucla-mome-caoutchouc