Le poil de la bête (roman d’Heinrich Steinfest)
La célèbre eau de Cologne 4711 est au coeur du dernier roman du fantasque auteur autrichien, Heinrich Steinfest , de retour avec une histoire passablement échevelée qui se passe à Vienne, la ville de l’Opéra, des chevaux.
La ville des cafés aux entrées plus mystérieuses que celles des brasseries françaises,
cafés dont les murs sont décorés de marbres et de bois sombres et où l’on mange de délicieux gâteaux à couches crémeuses en buvant du café ou du chocolat chaud accompagné de crème fouettée (le fameux « chocolat viennois »).
Vienne, la ville où Freud étudia la médecine, est une ville d’immeubles austères et de lubies bien cachées derrière les rideaux en dentelle.
Il n’est plus question de requins msytérieusement apparus dans une piscine sur un toit (« Requins d’eau douce » était son précédent titre traduit en français), mais l’auteur qui ne se lasse pas de la présence animale au milieu de ses intrigues, a recours, cette fois, à des chats persans affamés, détenteurs d’un secret extraordinaire, celui de l’élixir de jouvence. Secret parmi les plus recherchés avec celui qui permettrait de transformer le plomb en or.
Comme toujours chez Steinfest, les personnages sont
divers et animés par des passions exclusives.
Deuxième constante de l’auteur: il semble préférer les femmes maigres et élégantes. Ici, cette blonde ultra-mince est la mère dévouée d’un adolescent « attardé » mais capable de fulgurances géniales. C’est pour pouvoir s’occuper de lui à temps plein, que cette femme a choisi le métier de tueur à gages qu’elle exerce dans un strict cadre moral, s’assurant que les objets de ses « contrats » méritent bien ce qui va leur arriver. Outre son fils, qui pratique assidûment le skate dans un groupe adepte des règles quasi-monastiques de silence et de travail bien fait, la passion de cette femme austère est la maison délabrée qu’elle a acquise dans un quartier un peu éloigné du centre.
Les circonstances habituelles de son « travail » l’amènent à rencontrer un compositeur de musique de films, persuadé -mais peut-être est ce le cas- de venir d’une autre planète mais qui, lui a t-on dit, est un mari excécrable et pervers dont il faut se débarrasser.
Où il y a crime, il y a enquête. Elle est confiée à Markus Cheng, Chinois autrichien ou Autrichien chinois entre deux âges, vivant à Copenhague et maître d’un vieux chien bas sur pattes, obèse, incontinent et extrèmement paresseux qui ne songe qu’à dormir.
Ajoutons un immeuble hanté par les fameux chats persans, les Golems et le parfum de l’Eau de Cologne 4711, née sous ce nom en 1881 à Cologne, et nous avons tous les ingrédients d’un très réussi Steinfest : un peu de mélancolie, un humour pince-sans-rire, des personnages excentriques et une intrigue totalement imprévisible.
Heinrich Steinfest, « le poil de la Bête », carnets Nord/éditions Montparnasse.
Sont parus en français : « Requins d’eau douce », « le Onzième Pion' » et « Sale Cabot », 3 romans seulement sur les 11 qu’il a écrits. Steinfest connait un très grand succès chez les lecteurs germanistes.
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Vienne nous avait paru, lors d’une visite, une ville austère et endormie. Voilà un auteur original que nous ne connaissons pas et nous aimons beaucoup les enquêtes policières. Merci pour ce conseil !
Je suis allée deux fois à Vienne et j’ai détesté cette ville à chaque visite -sauf les cafés vraiment agréables. Pour ce qui est de l’auteur, il a une fantaisie dont seuls les auteurs germanophones sont capables, faite d’ironie et de mélancolie.