Le vintage est-il (vraiment) écolo?
Depuis quelques années, la mode du vintage connait un sacré coup d’accélérateur.
On connait le vintage chic, aussi appelé « antiquités » qu’on trouve en magasins spécialisés et aux ventes aux enchères et le « seconde main » de la boutique de dépôt-vente faisant la sélection en amont des vêtements et accessoires. On connait les puces parisiennes (Vanves, Clignancourt, Montreuil) et les vide-greniers et autres brocantes de rue où tout se retrouve pêle-mêle, souvent sur le trottoir.
Sans parler des friperies où les vêtements sont serrés sur des portants ou entassés dans des bacs, et où règne une incontournable odeur de désinfectant…
J’ai encore un manteau de fabrication allemande acheté il y a 40 ans (oui 40 ans, je faisais mes études) dans une immense friperie de la rue de Rennes pour 5 francs. C’était ridicule pour cette qualité (pure laine) et ce poids qui me donnait l’impression d’être dans une véritable armure à l’abri des hivers les plus froids et on en a connu quelques-uns.
Mais on pouvait aussi, à cette heureuse époque, explorer les sous-sols et les étages de la Samaritaine pour chercher des vêtements « techniques », comme les combinaisons de pompistes bien robustes ou les blouses de peintre en une sorte de jute beige un peu rêche.
Aujourd’hui, comme l‘écrit Nawal Bonnefoy du blog Serial Chineuse , la mode vintage pourrait bien perdre son âme.
Parfois faussement vintage, (beaucoup) trop chère (la loi de l’offre et de la demande), elle attire les convoitises des client(e)s, les amateurs/trices de gains faciles et éveille l’intérêt de qui croit à la vertu du déjà porté, qui serait plus écologique, et indéniablement moins cher que du neuf.
Mais ce qu’on trouve dans les nouvelles boutiques de fripes à Paris et partout en Europe, a un coût caché dont on ne parle que rarement.
Les Etats-Unis, immense territoire, collectent sans cesse habits, objets, meubles, grâce à leur maillage de structures caritatives et sont le deuxième vendeur au monde de vêtements déjà portés. De même, les Européens donnent des tonnes de vêtements chaque année.
Le magazine « Reporters » de France 24 (Etienne Cormery) a réalisé une enquête sur le « fripe-business ».
Seul un très faible pourcentage des vêtements enfouis dans les containers qu’on trouve dans les villes sont donnés aux « pauvres »…. Environ 500 000 tonnes de vêtements usagés sont collectés par an en France et 8 millions de tonnes en Occident (Europe de l’Ouest, Amérique du Nord). Les organisations caritatives les revendent à des intermédiaires régionaux qui font un premier tri (du premier au troisième choix, sans oublier « la crème », le dessus du panier) en usines avant de les empaqueter en ballots puis de les revendre à la tonne à des grossistes. Une partie de ces vêtements arrive dans les friperies et marchés locaux d’Afrique du Nord par exemple.
Ce qui est de très mauvaise qualité part en Inde ou au Pakistan pour être recyclé et transformé.
Le reste voyage par containers entiers vers l’Afrique subsaharienne, notamment à Lomé au Togo, mais aussi au Mali, au Cameroun, au Sénégal pour y être traité, trié et mis en vente sur des marchés. Ces marchés immenses où chaque vendeur a souvent sa spécialité sont arpentés par les populations locales mais également écumés par des revendeurs européens à l’oeil affûté. Ils traquent le jean vintage remis à la mode en Europe, les blousons bikers craquelés, les chemises en grosse laine à carreaux rouges et noirs, tout ce qui pourra se revendre à bon prix selon les fluctuations de la mode.
Une fois rachetés, ces vêtements sont remballés, et repartent en Europe, chez d’autres intermédiaires Là, il faut les traiter avant de les mettre en vente, personne ne tient à ramener chez soi des punaises de lit, des poux ou des mites. Finalement, ils sont dispatchés dans les boutiques de fripes vintage. Ce commerce représente des milliards d’euros…
Ecologique, le geste d’acheter dans ces friperies?
Le coût (l’empreinte carbone) de ces multiples transports par bateaux et camions, de la désinfection, du stockage rend l’achat de la moindre chemise dans une friperie spécialisée guère plus recommandable que dans une boutique de la « fast fashion » tellement décriée…
Si vous voulez du vintage, il est préférable de privilégier les circuits courts (comme pour l’alimentation!) : les boutiques Emmaus, les recycleries, les vide-greniers….
Pour avoir une idée de la taille des magasins de fripes aux Etats-Unis comme ceux de Goodwill cités dans la chanson, jetez un oeil au clip de Mackelmore et Ryan Lewis. Il est très drôle. Et ces fringues…. Le manteau en fausse fourrure qui lui donne l’air d’un acteur de Games of Thrones qui aurait croisé un ours qui dans le hip-hop, le sweat avec cerf, la chemise hawaïenne, la veste western, j’aime tout avec un petit faible pour la combi-pyjama Batman!
Only got $20 in my pocket
I-I-I’m huntin’ lookin’ for a come-up
This is fucking awesome
I’ll wear your grand dad’s clothes
I look incredible
1 Comment
Laisser un commentaire Annuler la réponse.
Abonnez-vous au flux de Niftyfifty!
- Famille, je vous hais (ou pas) 23 juillet 2023
- Félicité Herzog. Une brève libération 24 mai 2023
- Michel Houellebecq. Anéantir 10 avril 2023
C’est très bien de remettre le vintage à sa place pour comprendre ce système. Le vrai vintage a un sens et beaucoup de charme. Le reste est du commerce pur et à l’heure actuelle, ne se défend plus à cause de son empreinte de carbon.
PS Quel bel achat ce manteau « deutsche Qualität » … 😉