Lourdes, lentes…. (roman de André Hardellet)
André Hardellet (1911-1974) est un écrivain qu’on ne lit guère plus, réservé à quelques initiés, comme tant d’autres, comme Muriel Cerf, Anatole France ou même Colette. Etonnant personnage qui a d’abord commencé par reprendre l’entreprise familiale de bijoux dans le Marais avant d’écrire poèmes et romans, dont « Lourdes lentes », roman classé X, paru sous pseudonyme (Stève Masson), en 1969 chez Jean-Jacques Pauvert, infatigable (du moins dans ces années-là) éditeur de textes sulfureux.
« Lourdes lentes » a été repris dans la collection l’imaginaire chez Gallimard en 1994 (par procédé de reprint à l’identique, selon l’esprit de cette collection). Doisneau a fait sa photo, Guy Béart et Patachou ont chanté « Bal chez Temporel », Gainsbourg a joué dans un court-métrage réalisé par lui. Sa condamnation en 1973 pour outrage
aux bonnes moeurs a hâté sa fin. Où était l’outrage? A vous de juger avec ces quelques lignes extraites du roman condamné, véritable hymne à la femme.
« Lourdes comme des ventres d’abeilles, comme le vent paresseux, comme le souvenir, comme la couleur de l’orage, comme les yeux clairs, comme une promesse qui sera tenue. Gonflées de lait, de miel et de sucre. Le lait d’en haut, crémeux, pour apaiser les oursons voraces et téteurs. Le lait du milieu, le meilleur, entre les crevasses un peu roses, un peu mauves, un peu brunes. Juste une petite giclée d’opale liquide, envoyée par un invisible compte-gouttes. […] On en boirait des tonnes, en direct, avec une paille ou à la petite cuiller. Et elle rue, en dessus, geint, délire, vous encourage, secoue ses teignes de désespoir. Vous, la tête à l’étau, brouteur patient, le groin dans la truffe au parfum jamais mis en flacon, vous méprisez votre propre plaisir : c’est le sien qui compte. Catcheuse ruisselante, elle va vous étrangler d’un ciseau de ses cuisses. Vous haletez, tout à votre besogne salée, artisan des basses régions. […] Elle dort; vous n’avez pas joui. Quelle importance? Vous regardez la rue où défilent des hommes qui vous ressemblent, qui paraissent vous ressembler. Je t’aime, qu’est-ce que cela signifie sinon ce don sans échange, sans contre-valeur? […] Lourdes, et lentes. Prenant bien leur temps pour reluire et faire reluire. Nourrices, mères, soeurs. Pleines de lait, de sécrétions, d’organes mous. Les autres, les maigres, les rapides, retournez à vos enfers étroits. »Pour en savoir un peu plus sur André Hardellet, on peut aller voir ce site et lire » la Cité Montgol ».
Ce post est dédié aux Andrés, Renés et Rogers, aux Laurents, Gaétans et Florents, aux Roberts, Norberts et Huberts, aux Michels, Daniels et Emmanuels, aux Thomas, Nicolas et Lucas, et à tous les hommes qui aiment vraiment les femmes.
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On *doit* surtout lire ses Œuvres complètes parues en trois volumes aux Éditions de l’Arpenteur, et qui sont encore trouvables assez facilement sur Internet. Il est clair qu’on ne peut pas décemment vivre sans avoir lu « Le Seuil du jardin », qui a été remarqué par André Breton, et « Le Parc des archers », qui offre de la ville natale d’A.H. – Vincennes – et de son bois, qui apparaît aussi dans « Lourdes, lentes », une vision fantasmatique et fascinante.
C’est magnifique!
Nous nous souvenons des paroles nostalgiques du Bal chez Temporel : « Si tu reviens jamais danser chez Temporel Un jour ou l’autre. Pense à ceux qui tous ont laissé leurs noms gravés. Auprès du nôtre ». La version de Patachou, qui était de la génér bercé notre enfance … On ne cite en général qu’un seul auteur, Guy Béart
Oups ! : la version de Patachou, qui étai de la génération de nos parents, a bercé notre enfance.
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