Numéro Une de Tonie Marshall
Qu’on se le dise! J’adore cette femme! J’adore Tonie Marshall.
Qui d’autre qu’elle pouvait me sortir du marasme dans lequel je me traîne depuis des mois et qui m’empêche d’écrire sur ce blog?
Ce n’est pas que je n’ai pas vu, lu, entendu, des choses intéressantes, voire passionnantes. J’ai voyagé – pas mal (Australie, Tanzanie, Macédoine, Angleterre), vu quelques très bons films (Hitman and the Body Guard, Wonder Woman, Wind River, parmi d’autres), mais entre ma fracture du poignet en début d’année, le déménagement, le retour de la masse d’affaires du garde-meubles (et depuis je vis dans un taudis), et sans doute une dépression larvée, je n’arrivais pas à écrire.
Et ce matin, à la première séance de 9h, j’ai vu Numéro Une de Tonie Marshall.
Une femme, remarquable Emmanuelle Devos, responsable à un haut niveau et la seule présente au comité exécutif (le comex) d’une entreprise d’éoliennes, se heurte à un double plafond de verre.
Ses homologues masculins sont jaloux de ses compétences ou les ignorent, et en tout cas, font tout pour la discréditer auprès du PDG. Et quand elle est approchée, par des femmes, pour un poste de PDGère d’une entreprise du CAC 40, tout sera mis en oeuvre pour la décourager : campagnes malveillantes, licenciement de son mari, rumeurs.
Ajoutons même qu’elle doit affronter un troisième plafond de verre : celui de sa vie privée. Son mari qui lui reproche de trop travailler, de ne pas l’avoir consulté pour aller à la conquête de ce poste. Son père, manipulateur et distant. Et ses enfants, qui ne lui reprochent rien mais dont elle voudrait continuer à s’occuper.
Mais les membres d' »Olympe », le club féminin créé par Adrienne Postel-Devaux (Francine Bergé), qui veut la recruter pour ce poste, n’hésitent pas à utiliser les mêmes armes contre ses opposants.
Sur cette trame, Tonie Marshall a voulu décrire la dureté du monde de l’entreprise, et, en particulier des très grands groupes industriels, envers les femmes. Il ne suffit pas comme son personnage d’être X-Mines pour être adoubée dans ces cercles très fermés et très masculins qui, en dehors des heures de travail, vivent selon d’autres modes que les femmes. On les voit seuls, dans le film, ces hommes de pouvoir. Ni femme, ni enfants, ni parents visibles. Ils se concentrent sur leur but : monter l’échelle du pouvoir.
Tonie Marshall a réuni un casting excellent et parfaitement crédible. Emmanuelle Devos campe une femme constamment dans le contrôle d’elle-même, consciente de ses qualités professionnelles mais qui, d’elle-même, n’aurait pas visé ces sommets raréfiés. Peut-être parce qu’elle doit aussi gérer son père (Sami Frey) qui fait un AVC, son mari et ses enfants.
Casting parfait, à l’exception sans doute de Richard Berry qui en fait trop dans le registre du méchant et manque de la rondeur nécessaire à un homme crédité de trop d’influence. Tous les autres acteurs et actrices sont remarquables de justesse. Francine Bergé, Anne Azoulay, Suzanne Clément poussent leur candidate avec fermeté et vigilance. Sami Frey joue à merveille un père égoïste, ancien professeur de philosophie, constamment dans la posture du détachement et très préoccupé de son bien-être. Biolay est amusant en « tueur de femmes » repenti.
On pense évidemment à Anne Lauvergeon, mais bien d’autres ont inspiré la réalisatrice et Raphaëlle Bacqué, excellente journaliste politique, qui a contribué au scénario.
A l’origine, Tonie Marshall avait l’idée d’une série sur un club féministe ». L’idée était que chaque épisode soit autour d’un diner, car j’ai vu que c’est ce qui se pratiquait dans ces réseaux. Un diner, un invité, une thématique, huit personnages principaux. L’idée était d’interroger à la fois l’ambition professionnelle et les difficultés, pour toutes les femmes, d’arriver à des postes de « decision making position », les endroits où on a vraiment la clé pour changer les choses, et à quel point elles se heurtent au plafond de verre. À quel point c’est toujours compliqué et embrouillé. (lire ici). Le projet a été qualifié de « projet de niche » et n’a pas pu être monté.
En regardant le film, je pensais à ce billet que j’allais conclure avec la chanson de Neneh Cherry « Woman ». On l’entend à la fin du film.
Quand je vous dis que j’adore Tonie Marshall!
Tags In
4 Comments
Laisser un commentaire Annuler la réponse.
Abonnez-vous au flux de Niftyfifty!
- Famille, je vous hais (ou pas) 23 juillet 2023
- Félicité Herzog. Une brève libération 24 mai 2023
- Michel Houellebecq. Anéantir 10 avril 2023
Cela fait un moment que nous avons vainement cherché un nouveau post sur votre blog !
Vous avez fait de beaux voyages et assumé de choses moins agréables. Mais le fait d’aller au cinéma à 9h du matin, n’est ce pas un bon signe ?
C’est un film que nous essaierons de voir – nous avons pas mal de retard, trop prises, quelques petits voyages pour voir la famille et des amis. C’est un sujet toujours d’actualité, et la metteur en scène et les acteurs ainsi que votre avis promettent un bon film !
Bonne reprise pour tout…
Je suis assez présente sur Instagram, accessible depuis mon blog même sans avoir un compte. Mais je n’avais plus d’énergie pour parler ici. Pour ce qui est de l’heure de ma séance, je vais toujours au cinéma à la 1ère séance. Moins de monde et ça m’oblige à me lever!
Bonne semaine.
Bonsoir Colette, je suis contente que tu sois revenue poster un billet sur un film français très honorable. Le fait de revoir Francine Bergé (que je n’ai pas reconnue tout suite, vieillesse ennemie) et Sami Frey donne un plus au film avec une Emmanuelle Devos très crédible. Un bon film que je recommande aussi. Et bravo pour les voyages. A quand les photos? Bonne soirée.
Moi c’est Sami Frey que je n’ai pas reconnu tout de suite, pas plus que Francine Bergé.
Ce n’est pas un film parfait, mais au moins il m’a donné envie de sortir de mon trou!
Bonne semaine.