Le 8 mars, c’est, parait-il, le Jour des Femmes.
L’an dernier, Nifty Fifty and the City vous parlait de Berthe Weill et de Marie Laurencin.
En 2012, il était question d’avoir le ventre plat. Le phénomène des gaines et autres corsets n’a fait que s’amplifier depuis….

Au XIXème siècle, une femme écrivain et grande amoureuse, morte à Paris le 8 mars 1876, a sûrement porté des corsets mais elle n’est plus connue que par son  amant le plus célèbre, Gustave Flaubert. Louise Colet, née en 1810 à Aix-en-Provence, s’est mariée pour quitter sa province et « monter » à Paris. Auteur de poésies qui lui valurent quelques prix de l’Académie française, elle ouvre un salon littéraire très fréquenté.
Parallèlement elle mène une vie amoureuse assez débridée au point que ni son mari, ni son amant en titre de l’époque, Victor Cousin, n’acceptent de se reconnaître comme père de son unique fille, Henriette.

Gustave Flaubert (1821-1880), Louise Colet (1810-1876). Photo : www.deslettres.fr

Flaubert qui était passablement

misanthrope, voire misogyne, ne vivait que pour l’écriture. Il n’aimait pas particulièrement les milieux littéraires parisiens dont raffolait Louise Colet, qui avait une dizaine d’années de plus que lui. Leur histoire a commencé en 1846, de manière intermittente car Flaubert revenait fréquemment chez sa mère, en Normandie. Comme le voulait l’époque, Flaubert et Louise Colet ont échangé de nombreuses lettres, lettres gardées par la fille de Louise et vendues ensuite.

Il lui a écrit de nombreuses lettres passionnées où se mêlaient des détails quotidiens et de nombreux conseils pour écrire, lui-même étant très préoccupé par ses projets romanesques.
A lire les lettres* que lui envoie Flaubert, on sent assez vite que l’écart entre ces deux personnages littéraires est immense.
Elle écrit le 24 décembre 1851 dans un de ses « memento »: « Gustave m’aime exclusivement pour lui, en profond égoïste, pour satisfaire ses sens et pour me lire ses ouvrages. Mais de mon plaisir, mais de ma satisfaction, peu lui importe! ».
Les lettres de Flaubert sont pourtant tendres et affectueuses, assez proches, à part un ton plus sentimental, de celles qu’il pouvait écrire à ses meilleurs amis. Il lui parlait de l’écriture, la chose plus importante pour lui, de sa santé, de ses proches et prenait toujours soin de s’enquérir de sa vie et de l’avancement de ses travaux à elle. Louise se plaint à Maxime du Camp, un des grands amis de Flaubert, qui met de l’huile sur le feu en qualifiant la nature de Flaubert de « molle, couarde, égoïste ». Colet entretient des liaisons avec d’autres auteurs, comme Vigny et Musset alors même qu’elle n’a pas cessé celle avec Flaubert.
Comme on le sait, « les histoires d’amour finissent mal en général » et le 6 mars 1855, Gustave Flaubert envoie à Louise Colet un mot court et glacial:
« Madame,
J’ai appris que vous vous étiez donné la peine de venir, hier, dans la soirée, trois fois chez moi.
Je n’y étais pas. Et dans la crainte des avanies qu’une telle persistance de votre part, pourrait vous attirer de la mienne, le savoir-vivre m’engage à vous prévenir que je n’y serai jamais.
J’ai l’honneur de vous saluer.
G.F. « 

On est bien loin des « mille baisers tendres », des « bonne chère Louise », « bonne Muse », « ma poète chérie »…
Et de ces mots d’amour : « Le mouvement de ta bouche quand tu parles se reproduit dans mon souvenir, plein de grâce, d’attrait, irrésistible, provocant ; ta bouche, toute rose et humide, qui appelle le baiser, qui l’attire à elle avec une aspiration sans pareille… »

 

* La correspondance de Flaubert est remarquablement éditée à la Pléiade par Jean Bruneau.