Sea, sun and… sex? (Jean Genêt, le condamné à mort)
Il fait enfin beau un peu partout… Vous devez avoir le soleil vous aussi même si ce n’est pas au bord de l’eau. Et le soleil est un aphrodisiaque. Non! Ce blog ne se transforme pas en agence de rencontres et ici aucun éphèbe, quel que soit son âge ou le vôtre, n’attend vos mails énamourés. Mais il faut bien
rêver et l’été est propice aux rêveries érotiques et à la lecture de poèmes sensuels.
Le vent qui roule un cœur sur le pavé des cours, Un ange qui sanglote accroché dans un arbre, La colonne d’azur qu’entortille le marbre Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours. […] Ton visage est sévère : il est d’un pâtre grec. Il reste frémissant au creux de mes mains closes.Ta bouche est d’une morte où tes yeux sont des roses Et ton nez d’un archange est peut-être le bec. […] Mon Amour, mon Amour, voleras-tu les clés Qui m’ouvriront le ciel où tremble la mature D’où tu sèmes, royal, les blancs enchantements, Qui neigent sur mon page, en ma prison muette. […] Rêvons ensemble, Amour, à quelque dur amant Grand comme l’Univers mais le corps taché d’ombres. Il nous bouclera nus dans ces auberges sombres, Entre ses cuisses d’or, sur son ventre fumant. […] Cette apparition vient du ciel redoutable Des crimes de l’amour. Enfant des profondeurs Il naîtra de son corps d’étonnantes splendeurs, Du foutre parfumé de sa queue adorable. Rocher de granit sur le tapis de laine, Une main sur sa hanche, écoute-le marcher. Marche vers le soleil de son corps sans péché, Et t’allonge tranquille au bord de sa fontaine. Jean Genet (1910-1986). Le condamné à mort, 1942. Gallimard, 1999. Après Hélène Martin, Etienne Daho en a fait une adaptation avec Jeanne Moreau (extrait ci-dessous).
4 Comments
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Ce texte ne nous fait pas vraiment fantasmer, peut-être à cause du personnage Genet qui n’incite pas à la rêverie du fait des univers glauques dans lesquels il se complaisait : sex, sûrement ; sea, bien loin de son monde ; sun, pas pour nous car il représente plutôt the dark side…
J’ai découvert ce poême dans une anthologie de la poésie érotique chez Gallimard. Par ailleurs la reprise du « Condamné à mort » par Etienne Daho, auquel s’est adjoint Jeanne Moreau, était une raison de lire ou relire Genet -quoiqu’on pense du personnage. Il faut reconnaitre que les grands auteurs et les grands artistes, et même les poètes d’aujourd’hui, ne sont pas souvent des personnes de la vie réelle à la hauteur de leurs oeuvres.
C’est un très beau poème même si je suis d’accord avec Matching Points quant au personnage de Jean Genet !
Quelle belle langue (pas le bout de viande avec des papilles dessus, hein…). Magnifique texte, et Daho-Moreau en ont fait un bien bel objet musical. Je ne crois pas que Genet se soit jamais complu où que ce soit, y compris dans des univers glauques. Il était ce qu’il pouvait être, tout au plus. Et comme disait Malraux : « s’il était Baudelaire, on ne le saurait pas »…